Qui était Claire Duquénel d’Olimpré ?

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« Une femme de cœur – Mme Duquénel d’Olimpré surprend par son entrain, sa lucidité d’esprit, sa mâle intelligence, l’allégresse martiale qui l’anime. On est frappé de la fermeté et de la pénétration de son jugement, même quand la passion l’emporte. » C’est ainsi que Charles Moreau-Vauthier décrit celle qui semble avoir touché de nombreux êtres en position de faiblesse, mais de qui nous ne connaissons que très peu.

Nous n’avons aucune représentation de Mme Claire Duquénel d’Olimpré, mais il est raisonnable de penser que son habit pouvait ressembler au costume ci-contre, typique des années 1880.

Justine Claire Hainglaise naît à Nancy le 13 novembre 1832, d’un père notaire. Elle est également petite-fille du général Henriod, gouverneur de Lerida et héros de la Grande Armée napoléonienne, dont elle vénérera le portrait toute sa vie. Elle est aussi la nièce de Victor Brisson, gouverneur de Fontainebleau sous Napoléon III et celle du colonel Hanglaise, directeur de l’École de Saumur. Avec de tels antécédents, son tempérament fort n’est donc pas surprenant et explique sa revendication préférée : « Agir ! Agir ! Je veux agir ! Je veux être utile ! », volonté qu’elle mettra en application toute sa vie.

Elle se marie le 10 octobre 1859 à Charles Emile Duquénel, avocat à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat.

Médaille commémorative de la guerre 1870-1871

Engagement près des blessés de guerre

Lors de la guerre de 1870, elle se porte volontaire et est placée à la tête de l’ambulance d’un camp pendant trois mois. Durant les affrontements dans la région Val-de-Loire, son équipe pansa et soigna 600 soldats. Elle faisait également porter des potages aux soldats fatigués, sur ses propres deniers. M. Thiers, éminent diplomate, lui déclara : « Je ne veux pas vous enlever le mérite de votre généreuse action, mais permettez-moi, Madame, de m’y associer. » Et il tint à payer la moitié des frais. Interrompue dans cet élan bienfaiteur par la maladie, Mme Duquénel continua toutefois à se dévouer … distribuant à ses frais des vêtements et des médicaments dans les hôpitaux et les ambulances.

En juillet 1871, elle reçoit du Conseil d’Administration de la Société Française de Secours aux Blessés une croix de bronze et un diplôme d’honneur. Quoi que beaucoup plus tard, en 1912, son dévouement sera de nouveau reconnu par la médaille commémorative de la Campagne de 1870-1871, décernée par le ministre de la Guerre.

Devenue Duquénel d’Olimpré

Vers 1871, toutes les références à la bienfaitrice font état de « Mme Duquénel d’Olimpré ». Nous ignorons l’origine de cette addition à son nom, si ce n’est qu’Olimpré est un hameau à proximité de Château-Salins, en Lorraine, région de naissance de l’intéressée. La famille y avait-elle une propriété ? Existe-t-il un lien avec des faits d’armes de son grand-père ? Tout ceci n’est que conjecture …

Les actes d’état civil ultérieurs ne font toutefois aucune mention d’Olimpré.

Protection des enfants

Dans les années 1880, Mme Duquénel d’Olimpré s’engage dans la défense d’une autre cause, celle des apprentis et enfants employés dans les manufactures, dont elle deviendra présidente d’une des commissions du travail. Elle démissionne de cette responsabilité en 1884.

Enfants travaillant en usine dans les années 1880

Visites régulières à Marlotte

C’est vers le milieu des années 1880 qu’elle débute ses séjours à Marlotte, tout d’abord à l’hôtel Mallet, puis dans une maison qu’elle acquiert sur la route de Fontainebleau à l’entrée du hameau, en 1896. Il s’agit de la villa alors nommée « Tanagrette », située au 66 rue Murger. Témoin de la générosité que Mme Duquénel d’Olimpré prodiguait à tout être vivant, elle y fit creuser un abreuvoir dont elle s’assurait qu’il soit par ses soins toujours garni d’eau fraîche pour les chiens altérés revenant de la promenade en forêt1.

En 1891, son mari Charles Emile Duquénel décède à Menton. A 59 ans, Mme Duquénel d’Olimpré semble alors s’immerger encore plus dans des actions caritatives de tous genres.

Générosité tous azimuts

En 1894, elle fonde « L’œuvre du Jouet »: Voici l’époque de l’année où les mères de familles s’occupent de renouveler les joies de leurs bébés : la fondatrice de l’œuvre du jouet, Madame Duquénel d’Olimpré fait appel à leur généreux concours en les priant de mettre de côté leurs vieux jouets, et de vouloir bien les envoyer aux dames qui les distribuent aux pauvres enfants assistés de la rue Denfert-Rochereau.

En 1896, elle s’associe à une initiative pour « les lits français de l’hôpital international de Saint-Pétersbourg ». Un asile pour les convalescents et les infirmes de toutes nationalités va se fonder, à Saint-Pétersbourg, sous l’auguste patronage de SM l’Impératrice Alexandra Federovna. Pour aider à cette fondation une vente de charité s’organise sous la présidence de Madame la comtesse Vera Tolstoï… qui fait appel à ses amis peintres et sculpteurs pour l’envoi d’objets d’une valeur ne pouvant être inférieur à 500 Fr. Parmi les donateurs, Mme Duquénel d’Olimpré offre un écran de cheminée.

En 1900, Mme Quesnay de Beaurepaire2 présente Mme Duquénel d’Olimpré à l’Association des dames françaises de la Croix-Rouge française.

Jouet du 19e siècle

En 1903, c’est sa sensibilité envers les animaux qui s’exprime par sa participation à un mouvement d’opposition à la vivisection. Elle fait partie des sociétaires de la Société Protectrice des Animaux, qui se saisissent dès lors de l’anti-vivisectionnisme pour s’opposer à une direction à l’époque pour partie constituée de médecins et de vétérinaires. Elle interrompit un jour un cours de vivisection en se jetant à la tête du professeur, qu’elle saisit à la gorge3

Cette même année, le Prix du Président de la République lui est décerné, au milieu des applaudissements, lors de la séance annuelle de la SPA. On souligne alors que Mme Claire Duquénel d’Olimpré a toujours prêté à la société un concours inlassable et désintéressé, quelles qu’aient été les difficultés qui pouvaient se présenter.

En 1906, Mme Duquénel contribue à des rapports de cruauté vis-à-vis de chevaux utilisés par des voituriers. A la suite de ces actions, 82 cochers et palefreniers sont mis en accusation lors d’inspections nocturnes par des agents en civil4.

En 1912, elle s’insurge à la lecture d’un article de presse5 : « Le docteur Toulouse, avec ses histoires de microbes, de poux et de puces du chien, cherche bien la petite bête ; qu’il laisse donc en paix nos meilleurs amis. Ah ! si les pauvres bêtes pouvaient tenir un congrès, en auraient-elles à dire sur l’ingratitude et la méchanceté humaines ! Ce qu’il y a de plus mauvais dans le chien, c’est son maître. »

Singe – Lithogravure par Olivier de Penne

Des liens amicaux à Bourron-Marlotte

Pendant cette période, elle noue des liens d’amitiés avec des figures de Bourron-Marlotte, telles le peintre Olivier de Penne, chez qui elle passe des journées entières à contempler les singes et à les bourrer de friandises6, ou encore Charles Moreau-Vauthier, à qui nous devons un long article sur les femmes de la guerre de 1870-71. Elle fait aussi partie du Comité de Patronage des Visites d’Art alors organisées par Moreau-Vauthier7.

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1 – Bulletins des Amis de Bourron-Marlotte n°6, 1979, p.34 et n°7, 1980, p.41

2 – Il est à noter que Mme Quesnay de Beaurepaire séjourne régulièrement à Marlotte, où elle occupe alors la villa Les Taillis. Voir Alfred Quesnay de Beaurepaire – Militaire accompli devenu artiste par D. Ricoult, Bulletin des Amis de Bourron-Marlotte n°64, 2022.

3 – L’Abeille de Fontainebleau – 8 décembre 1911

4 – The New York Herald – 4 février 1906

5 – Excelsior – 4 février 1912

6 – L’Abeille de Fontainebleau – 26 janvier 1912 – Souvenirs de Mme de Penne par Charles Moreau-Vauthier

7 – L’Abeille de Fontainebleau – 13 septembre 1912