Charles Frederick Goldie – De Marlotte aux Maoris

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L’intérêt artistique de Paris et de la France auprès des artistes de la seconde moitié du XIXe siècle, est amplement documenté. Au-delà de l’attrait primordial de Paris et de ses écoles d’art, de nombreux peintres étrangers ont aussi élu domicile dans des localités alors jugées plus propices aux aspirations de naturalisme de l’époque. Barbizon vient évidemment à l’esprit, tout comme l’attraction exercée par le cadre de Grez-sur-Loing auprès des peintres britanniques, américains, scandinaves et japonais.

Ce court article[1] porte sur un peintre moins connu et qui a pourtant littéralement parcouru la moitié de la planète pour visiter Marlotte !

Autoportrait, par Charles-Frederick Goldie, 1896

Jeunesse et éducation

Charles Frederick Goldie est né à Auckland, en Nouvelle Zélande, le 20 octobre 1870, d’une mère artiste amateur, qui a très tôt encouragé les tendances artistiques de son fils. Dès le lycée, il remporte plusieurs prix de la Société des Arts d’Auckland et de l’association des Etudiants en Arts de Nouvelle-Zélande. C’est après avoir étudié avec Louis John Steele[2] qu’il expose deux natures mortes à l’Académie des Beaux-Arts d’Auckland. Celles-ci impressionnent tellement un ancien gouverneur de Nouvelle-Zélande que celui-ci demanda au père Goldie d’autoriser son fils à continuer sa formation artistique à l’étranger.

Séjour en France

Après un bref séjour en Australie, Goldie se retrouve donc à Paris en juillet 1893, logeant dans le quartier des artistes de Montparnasse. Il y étudie à la cosmopolite Académie Julian jusqu’en janvier 1898, sous la direction de William-Adolphe Bouguereau (1825-1905), connu pour ses nus d’inspiration mythologique et ses portraits d’enfants, tout autant que pour son opposition aux œuvres des impressionnistes. Pendant cette période, Goldie suit des cours d’anatomie à l’École des Beaux-Arts. Il remporte déjà régulièrement des prix dans les concours d’atelier et en 1896 reçoit une médaille d’or pour une nature morte dans un concours interne à l’Ecole. Pendant cette période formatrice, il s’astreint à la copie des maîtres anciens au Louvre et dans d’autres galeries, et voyage beaucoup, en Europe de l’Ouest. Contrairement aux quelques peintres néo-zélandais ayant étudié l’art à Paris pour de courtes périodes, Charles Goldie est le seul de sa génération à se plier à la rigueur de la formation académique française. Dans ce contexte, un intérêt pour les écoles naturalistes et impressionnistes semble bien improbable ! Est-ce donc la curiosité pour les récents courants artistiques de Barbizon, puis de Marlotte qui attira tout de même le jeune Charles Frédérick Goldie vers la région de Fontainebleau ? Quoi qu’il en soit, on lui doit effectivement une fort belle figuration du Chemin des Trembleaux, à Marlotte. Cette huile sur bois fut vendue aux enchères pour 230.000$ en 2022 !

Marlotte – Paris, 1894, par Charles-Frederick Goldie

Une seconde huile sur bois, intitulée Burron – Oct 94, représente une rue de village, très certainement à Bourron !

Les tableaux alors réalisés par Goldie l’étaient de façon générale sur toile. Le choix d’un panneau de bois comme support de ces deux œuvres paraît cohérent avec une exécution en plein-air, reflétant une parenthèse dans la carrière essentiellement académique de Goldie, durant laquelle l’artiste aura voulu s’essayer à l’approche naturaliste qui avait été pratiquée dans la région bellifontaine.[3]

Retour en Nouvelle-Zélande

Vers la fin de son séjour en France, Goldie exprime l’intention de rentrer en Nouvelle-Zélande pour créer une école d’art sur le modèle de l’Académie Julian. De retour à Auckland en 1898, il partage un atelier avec Steele, son ancien professeur, où ils hébergent une institution d’enseignement qu’ils nomment l’Académie française des beaux-arts. Peu après, des tensions apparaissent entre les deux partenaires, qui se séparent, événement devenant la pierre angulaire de la carrière de Goldie.

A ce moment, il décide en effet de se concentrer sur le sujet qui deviendra sa signature artistique, à savoir les portraits de maoris, peuple indigène en forte régression démographique. Ce faisant, Goldie devient ami de nombreux chefs maoris, vit avec eux et apprend à parler leur langue, avec la détermination de contribuer à la préservation de leur culture. Nul doute que son passage à Marlotte n’était alors qu’un bien lointain souvenir !

Ces portraits emblématiques ont immédiatement connu un immense succès et leur appréciation n’a fait que s’accroître depuis, comme l’atteste le prix de vente récent de 1.800.000$ pour le portrait reproduit ci-contre (créé sur une très longue période, de 1907 à 1931).

Kamariera Te Hau Takiri Wharepapa, par Charles-Frederick Goldie (1907-1931)

Sa santé se détériorant, probablement à la suite d’un empoisonnement au plomb des pigments qu’il utilisait pour la préparation de ses toiles, Charles Frederick Goldie arrête complètement de peindre en 1941. Il est mort le 11 juillet 1947 à l’âge de 76 ans, et est enterré à Auckland.

1 – Un article plus complet sera publié dans le Bulletin des Amis de Bourron-Marlotte

2 – Louis John Steele (1842-1918), peintre d’origine anglaise, formé à l’École des Beaux-Arts de Paris

3 – Communication personnelle de Jane Davidson-Ladd, University of Auckland – Faculty of Arts https://www.auckland.ac.nz/en/arts/about-the-faculty.html