Au début des années 1880, la renommée internationale des communautés artistiques de notre région n’est plus à faire. Ce fut d’abord Barbizon qui attira les peintres en rupture avec le classicisme, puis les villages du sud de la forêt de Fontainebleau lui emboitèrent le pas : Marlotte, Moret, Montigny, puis Grez-sur Loing, ce dernier village étant particulièrement connu pour l’affluence des artistes étrangers, dont un grand nombre de peintres scandinaves. De façon naturelle, certains de ces artistes ont exploré les environs de Grez, en particulier le petit hameau de Marlotte, alors rendu célèbre par Murger dans les années 1850.
Ce court article[1] porte sur Erik Werenskiold[2], peintre et illustrateur renommé en Norvège et Scandinavie.
Né en 1855 dans les environs d’Oslo, son attirance pour le dessin est très tôt pressentie et se confirme à l’université, où il fréquente l’atelier du peintre Axel Ender[3] et avec qui il passe les années suivantes à la prestigieuse Ecole des Beaux-Arts de Munich.
En 1881, il se dirige vers Paris et y fait rapidement des rencontres qui le confortent dans sa croyance que l’avenir de la peinture réside dans le naturalisme exécuté sur motif extérieur. C’est ainsi qu’on le trouve à l’hôtel de la Renaissance, au cœur de Marlotte, en juin de cette même année. Werenskiold documente ce séjour dans des lettres adressées à sa fiancé, restée en Norvège[4]. Ces précieux documents apportent une description des paysages et cultures potagères de l’époque et sont surtout des témoignages vivants de l’ambiance qui régnait au sein de la petite communauté artistique cosmopolite, réunie autour de la table de l’hôtel. Ces lettres deviennent parfois de fortes analyses ethnographiques des différentes cultures en présence, où l’appréciation du comportement des peintres Français pas Werenskiold n’est pas toujours très positive !!
Erik Werenskiold séjourne à plusieurs reprises à Marlotte, dont il apprécie tellement le cadre qu’il en a réalisé plusieurs tableaux, dont la Cueillette des fleurs à Marlotte, en appréciation de l’abondance des coquelicots qui l’avait tant enchanté à son arrivée, ou la Petite fille au panier, maintenant exposé au Palais Royal d’Oslo. Comme il l’explique dans certaines de ses esquisses, c’est également dans notre petit village qu’il conçoit plusieurs de ses œuvres, telles que le Garçon à la houe et Jour d’été. Charmé par les jeux des enfants dans les champs de Marlotte, ce sont eux qu’il choisit comme modèles pour son tableau Cris d’enfants[5].
Lors de ses soirées à l’hôtel de la Renaissance Werenskiold est frappé par les nombreuses peintures qui décorent les murs en bois de la salle à manger. Dans une de ses lettres, il partage d’ailleurs son intention d’en peindre une lui-même un jour, quand il fera mauvais temps … Nous ne savons cependant pas si la météo est allée dans ce sens et s’il a pu concrétiser ce projet !
De retour en Norvège, il reste attiré par la France et c’est à Paris qu’il revient se marier en mai 1882. Le mariage a lieu à Montmartre en présence d’autres peintres scandinaves et est officié par le maire, un dénommé Emile Bin, politicien, mais aussi … résident de la rue Marceau à Bourron ! Le mois suivant, Werenskiold présente La promenade au Salon de Paris de 1882, une de ses œuvres majeures, peinte en Norvège avant son retour en France.
En 1883, après la naissance de leur fils à Paris, le jeune couple rentre en Norvège, où Erik Werenskiold deviendra un des peintres majeurs de Scandinavie, y introduisant les tendances françaises de l’art moderne, à commencer par l’impressionnisme.
Références
[1] Un article plus complet sera prochainement publié dans le N°65 du Bulletin des Amis de Bourron-Marlotte, 2023
[2] La vie et l’oeuvre d’Erik Werenskiold font l’objet du livre Erik og Sofie Werenskiold: Ungdom og eventyr, 1849-1889 par Marit Werenskiold: (2 vols.), Solum Bokvennen, Oslo, 2022.
[3] Axel Ender (1853-1920) – Peintre et sculpteur norvégien, connu pour ses scènes de genre
[4] Communication de Marit Werenskiold
[5] Exposé au National Museum of Art d’Oslo