Alors que la présence de peintres scandinaves est bien documentée à Grez-sur-Loing, il n’en est pas de même à Bourron-Marlotte. Même si les œuvres réalisées par le Suédois Oscar Törna à Bourron ont bien été identifiées et si nous avons récemment documenté la visite des Norvégiens Erik Werenskiold et Christian Skredsvieg, il nous reste encore beaucoup à apprendre dans ce domaine. Ainsi, une lettre de Joakim Skovgaard, découverte dans les archives du musée Skovgaard, à Viborg (Danemark), a attiré notre attention.
Joakim Skovgaard – Un peintre danois notable
Joakim Skovgaard (1856-1933) reçoit ses premières leçons de dessin de la part de son père, P.C. Skovgaard, paysagiste danois considéré comme l’un des principaux peintres de la fin de l’âge d’or danois. C’est au cours d’un voyage à Paris en 1880-81 et d’un séjour de quelques mois à l’école de Léon Bonnat, que le jeune Skovgaard acquiert les bases du naturalisme en peinture. Il voyage ensuite en Italie et en Grèce, où il développe un intérêt pour la peinture sur céramique et les études de costumes pour les décorations d’église. Il adopte aussi une plus grande légèreté de style, d’influence impressionniste. Dans les années 1900, on confie à Skovgaard la décoration de la cathédrale de Viborg, l’une des plus grandes commandes jamais reçues par un artiste danois, et qui reste aujourd’hui un chef-d’œuvre absolu de l’art danois.
Joakim Skovgaard est considéré comme une figure clé parmi les artistes qui, au tournant du siècle, ont créé un style décoratif basé sur des principes spécifiquement danois.

Joakim Skovgaard à Marlotte

Le 20 mai 1881, il écrit une lettre de Marlotte1, dans laquelle il souligne la présence de la nature, la venue du printemps et le chant des oiseaux les plus incomparables. Il y insiste encore sur les vrais arbres observés en forêt de Fontainebleau ! Ce 20 mai, il attend aussi la visite de quatre amis, dont nous apprenons l’identité dans une autre missive écrite le 27 mai : il s’agit de Viggo Pedersen2, de son beau-frère Borup3 et d’Erik Henningsen4. Skovgaard y mentionne que c’est l’été, je vous le dis. Les cultures poussent bien et la nuit, il fait si chaud qu’hier, nous sommes restés sans manteaux à regarder les habitants danser à l’auberge.
Plus loin, il fournit une belle description du cadre naturel où il se trouve : Le petit dessin ci-joint provient d’un endroit dans la pinède. Je l’ai dessiné par une belle soirée, le ciel était très clair, avec seulement quelques nuages épars. Debout sur un gros rocher (non pas pendant le dessin, mais après), je contemplais la vallée, illuminée par le soleil bas. Le rocher sur lequel je me tenais projetait son ombre au loin dans la vallée et le vent hurlait dans la cime des pins. Mais les forêts de feuillus sont plus belles. À la Gorge-aux-Loups et à la Mare-aux-Fées, la nature est si sauvage, les chênes portent des branches hérissées, certaines presque sans feuilles. L’après-midi d’il y a quelques jours était magique, de gros nuages blancs dérivaient dans le ciel bleu. Il venait de pleuvoir, alors tout rayonnait de fraîcheur, les genêts jaunes scintillaient entre les murs et les buissons. Voici des endroits si merveilleux et sauvages qu’on s’attendrait à y rencontrer quelque chose d’extraordinaire. La créature la plus étrange que j’aie jamais vue est un cerf élaphe. J’aimerais voir un sanglier, mais je n’ose espérer en rencontrer un.
Le petit dessin mentionné nous a bien entendu intrigué … d’autant qu’il n’était pas inclus dans la numérisation de la lettre ! Heureusement, le personnel du musée de Viborg a consenti à effectuer une recherche complémentaire5, qui a permis d’identifier non pas un seul petit dessin, mais une série de croquis réalisés par Skovgaard durant son séjour dans notre village, dont nous reproduisons quelques-uns ci-dessous.

1 – Nous remercions Dr. Terkel Svava Olsen pour la traduction des lettres rapportées dans cet article.
2 – Viggo Pedersen (1854-1926), peintre paysagiste danois, dont le séjour à Paris, en 1881, l’exposa à l’art du paysage, influençant son style de façon significative.
3 – Futur beau-frère de Viggo Pedersen.
4 – Erik Henningsen (1855-1930), peintre et illustrateur danois, connu pour le réalisme social de ses représentations des groupes défavorisés.
5 – Nous sommes particulièrement redevables à Mme Gitte Clemens, responsable des collections au musée Skovgaard de Viborg.