Christian Skredsvig (1854-1924) – Un autre peintre Norvégien à Marlotte

Nous avons rapporté dans un article récent le passage du peintre Norvégien Erik Werenskiold à Marlotte en 1881, séjour au cours duquel il a peint plusieurs scènes de notre village. Il était alors accompagné de deux amis, son concitoyen Christian Skredsvig et le peintre allemand C. Schultze (qui a exposé Paysage d’hiver au Salon parisien de cette même année). Entouré d’autres peintres français, les trois visiteurs séjournèrent alors à l’Hôtel Mallet, à Marlotte.

Qui est Christian Skredsvig ?

Dès l’âge de quinze ans, Skredsvieg fréquente une école de dessin et de peinture à Oslo, formation qu’il poursuit à Copenhague, puis à Munich. Il se déplace ensuite à Paris, où il suit les cours de Léon Bonnat (comme de nombreux autres artistes scandinaves) et expose une de ses œuvres à l’Exposition universelle en 1878. Après plusieurs années à Paris et ses environs, ce n’est qu’en 1886 qu’il retourne en Norvège pour s’installer à la ferme de Fleskum. Ce lieu devient alors le centre d’attraction pour une colonie artistique éphémère, où se retrouvent les grands noms de la peinture norvégienne, dont Erik Werenskiold, Theodor Kittelsen, Harriet Backer …, dont les œuvres sont restées comme un marqueur du nouveau romantisme dans la peinture norvégienne.

Dans sa peinture, Christian Skredsvig a employé un style artistique reflétant le naturalisme, qui le rend particulièrement connu pour ses représentations pittoresques et lyriques du paysage.

Au début du 20e siècle, Skredsvig entreprend l’écriture d’ouvrages autobiographiques, ainsi que de romans.

Autoportrait par Christian Skredsvig, 1886 – Oslo Museum – image no. OB.00472, via digitaltmuseum.

Christian Skredsvig à Marlotte

Conscients de la présence de Christian Skredsvig à Grez-sur-Loing, où il se trouve à l’automne 1881 et dont il laisse plusieurs peintures, telle une grande huile intitulée Matin d’octobre à Grez (1881-1882), nous n’avions jusqu’à récemment trouvé aucune trace de son passage à Bourron-Marlotte, au-delà des écrits de Werenskiold. Des contacts récents avec le musée danois de Skovgaard nous ont toutefois permis d’accéder à quelques lettres du peintre, apportant un éclairage sur son séjour à Marlotte.

En mai 1881, Skredsvig remporte la médaille d’or pour son tableau Une ferme à Venoix présenté au Salon de l’Académie des beaux-arts de Paris. C’est vers la fin de juillet qu’il se trouve à Marlotte en compagnie de son ami Erik Werenskiold, et qu’il précise dans une de ses lettres que l’État français a acheté le tableau [primé] pour 2000 francs. La médaille était en or. Valeur 550 Francs. Alors que Werenskiold passe beaucoup de temps devant son chevalet et produit diverses représentations de Marlotte, Skredsvig, lui, se focalise sur des commandes en cours : J’ai quelques commandes de tableaux à terminer et je reste assis sur mon tabouret, tel un cordonnier. De ses observations locales, nous n’avons trouvé que quelques dessins à la fin d’une lettre, écrite à l’hôtel Mallet.

Matin d’octobre à Grez par Christian Skredsvig, 1881-1882 – Musée national de Norvège, Oslo
Extraits d’une lettre écrite à Marlotte, de C. Skredsvig à J. Skovgaard le 4 juillet 1881

En fait, la teneur de ses missives, écrites alors à ses amis, témoigne de la période sentimentalement difficile qu’il traverse, à la suite d’une déception amoureuse qui accapare totalement ses pensées : Je me suis senti comme un convalescent après qu’elle m’a quitté… J’ai promis de ne plus lui écrire et je ne me laisserai pas tenter. La blessure est douloureuse et par moments plus ouverte qu’à d’autres… Le monde entier est à l’envers, tout tourne. A Marlotte je lui ai écrit une lettre de huit pages, mais à la fin, je l’ai déchirée …

Ces sentiments n’oblitèrent cependant pas totalement la sensibilité naturaliste de Christian Skredsvig pour son environnement marlottin : L’autre soir, j’ai été captivé par un ciel magnifique rempli d’étoiles. J’ai eu l’impression que mes grands sentiments étaient insignifiants par rapport à toutes les merveilles incompréhensibles du ciel. Il fait très chaud ici. Werenskiold et moi ne faisons presque rien, mais nous apprécions la table, où le steak est excellent !

Le séjour de Skredsvig à Marlotte est de courte durée, puisqu’on le retrouve à l’Hôtel Beau Séjour* de Grez-Bourron [sic], dès le 15 août 1881. Trouverons-nous un jour des traces plus concrètes du passage de Christian Skredsvig à Marlotte ? Y a-t-il commis des toiles qui restent à découvrir ?

* devenu la Pension Laurent

Remerciements : Nous sommes redevables au musée de Skovgaard de Viborg (Danemark), qui nous a orienté vers les lettres de Skredsvig, présentes dans leur collection, ainsi qu’au Dr. T.S. Olsen qui en assuré la traduction.